Benjamin Weyer, responsable de l’information voyageurs des lignes D et R, qui intervient ponctuellement sur ce blog, a répondu à Freddy au sujet de l’information à bord des trains.
Je pense que le point proposé par Benjamin sur le sujet, et sur les évolutions à venir, est très intéressant.
Mais comme il est un peu « noyé » au milieu d’autres commentaires, je vous en donne une copie dans ce billet afin de le partager avec vous tous (retrouvez l’intégralité de cet échange ici).
“Certes les tests du projet de SIVE communicant aboutissent, mais on peut reprocher cette longue lacune qui ne semblait pourtant pas insurmontable.”
Et pourtant, ce sujet n’a pas été oublié ces dernières années.
Le fait est que les conducteurs de trains ne sont pas recrutés d’abord pour leur capacité de prise de parole. Les qualités requises pour ce métier sont avant tout techniques mais aussi “comportementales” (capacité à gérer le stress, la solitude,…). Certains conducteurs sont naturellement doués pour la prise de parole, et tant mieux, mais ce n’est pas forcément le cas de la majorité. Eric (conducteur et imitateur très connu sur la ligne) se qualifait d’ailleurs lui-même d’atypique…
Depuis le début des années 2000, les formations “prise de parole” ont donc pris une part croissante dans les formations des ADC Agent De Conduite). Eric lui-même a formé ses 300 collègues du dépôt de Melun en 2008, à travers une formule très concrète de cas pratiques et de mises en scène qui a fait école et a été reprise en 2009/2010 pour tous les conducteurs Transilien.
De fait, grâce à tous ces efforts et à une prise de conscience des conducteurs, la prise de parole a progressé. Nous recevons même de plus en plus de témoignages de voyageurs très satisfaits des annonces lors de certaines perturbations (surtout lorsqu’il s’agit du train directement concerné par un incident, car le conducteur est au coeur de l’information).
Grâce à une enquête menée en 2009, nous savons que 95% de nos conducteurs sont aujourd’hui prêts à prendre la parole lors d’une perturbation.
Parfait, me direz-vous, sauf que :
1) encore faut-il que les conducteurs reçoivent les informations sur les perturbations ;
2) et qu’ils aient le temps de prendre la parole.Jusqu’à mi-2008, les conducteurs ne pouvaient recevoir les informations que par la “Radio Sol-Train”, qui permet les communications entre les postes d’aiguillage ou de régulation et les conducteurs. Sauf que cet outil est avant tout utilisé pour des communications de sécurité (surtout lorsque le trafic est perturbé) et la transmission des ordres de circulation. Difficile donc pour les régulateurs de faire régulièrement un point global sur la situation.
En 2008, grâce à l’équipement des conducteurs en téléphones mobiles, un système d’information par SMS a pu être lancé (SMS rédigés par les GIV du COT). Sauf que pour des raisons de sécurité, il ne faut pas qu’un SMS puisse arriver lorsque le train roule (risque de déconcentration du conducteur). C’était donc aux conducteurs, à l’arrêt, d’appeler un serveur qui en retour leur envoyait un SMS. Pas très pratique… Ajoutez à cela une petite erreur de conception de l’outil au niveau des COT (l’outil de saisie est venu se rajouter aux autres applications des GIV au lieu d’être mutualisé, ce qui a été réalisé plus tard) et vous comprendrez que cet outil n’a pas eu le succès escompté.
Bref, il nous fallait “inventer” autre chose. Cette chose devant notamment être reliée au train pour n’afficher les informations qu’à l’arrêt. Nous avons donc bâti le projet SIVE Communicant, car l’interface du SIVE en cabine de conduite nous offrait beaucoup d’opportunités. SIVE installé à partir de 2009 sur la ligne D, je précise (nous n’avons donc pas traîné pour chercher à le rendre communicant…).
Ce SIVE Communicant répond à 2 objectifs :
1) Apporter davantage d’infos aux conducteurs, qui restent au centre de la prise de parole lors de perturbations (car ils peuvent évaluer mieux que quiconque la situation de leur train). Les conducteurs peuvent donc recevoir des SMS du COT sur l’écran du SIVE (qui se rallume automatiquement à l’arrêt si un SMS est arrivé) et écouter (toujours à l’arrêt) le dernier flash de Radio Ligne D.
2) Permettre une prise de parole directe du COT :
– lorsque le conducteur ne peut pas prendre la parole : exemples : conducteur descendu sur les voies pour inspecter sa rame ; petit incident qui ralentit les trains sans les arrêter, et pour lesquels le conducteur doit se concentrer sur la conduite (exemple : une limitation de vitesse suite à un incident sur la voie).
– pour des informations qui ne concernent pas directement le conducteur : travaux prévus sur la ligne dans les jours à venir, lignes en correspondance perturbées (exemple : RER C interrompu à Juvisy).Actuellement 54 rames sont équipées. Au-delà de tests ponctuels, nous attendons l’achèvement des 70 rames prévues (dans un premier temps) pour lancer la mise en service. Et ce, pour atteindre un véritable effet significatif dès le lancement officiel.
Si les annonces à bord sont de meilleurs qualité, je dois dire que les annonces faites ce jeudi en gare de Juvisy, ont eu le dont d’en agacer plus d’un. Cela devait donner quelque chose comme :
« En raison d’un incident voyageur à 4h45, le trafic est fortement perturbé et ne reviendra normal (c’est à dire service minimum puisque grève) que dans 2 heure »
Au delà de la surprenante conception d’un trafic normal, cette annonce était faite vers 7h50 soit environ 3 heures après l’incident. De deux choses : soit il faut créer un module de formation « addition » pour les personnes faisant les annonces en gare, soit il faut leur demander un peu plus de réactivité lorsqu’une annonce est dépassée !
Bonjour Jean-Marie,
L’annonce était peut être maladroite, mais un accident de personne a des répercussions durant plusieurs heures, et la reprise des circulations se fait progressivement (même avec un programme de grève).
Je transmets votre commentaire à ma collègue de la ligne C où a eu lieu cet accident et cette annonce.
D’une manière générale, il est clair qu’il est difficile de convenir (donc de diffuser) précisément une heure de reprise du trafic dans le cas d’incidents qui, même s’ils sont souvent récurrents, diffèrent dans leur durée.
La complexité de l’évènement donné, le nombre potentiellement importants d’intervenants « extérieurs », les vérifications de sécurité à apporter pour pouvoir reprendre une circulation normale,…. , sont autant d’éléments aux délais quantifiables par expérience, mais difficilement précis.
En outre, toujours dans le cadre d’un évènement important, la production se trouve fortement désorganisée et la distinction entre les termes « reprise du trafic » et « trafic normal » prend ici toute son importance. La différence peut en effet être importante.
La « reprise du trafic » sera alors une tendance vers une montée de la production ferroviaire dégradé, vers un retour à une circulation normale.
Alors que la circulation « trafic normal » sera ni plus ni moins qu’une circulation assurant le service aux clients et étant en phase avec les objectifs horaires convenus et en adéquation avec les missions confiés par le STIF.
Dans le premier cas, cette façon de dire les choses explique juste qu’un évènement X ou Y vient de se terminer, et que par exemple les trains repartent dans un fonctionnement normal.
La nuance est donc très importante pour informer la clientèle.
Merci Freddy et Docteur house pour ces précisions.
Bonjour,
Je souhaiterais dire une chose qui n’est jamais dite : l’EAS (équipement agent seul), qui concrètement, permet aux trains de circuler sans contrôleur, a induit une très forte diminution de la qualité de l’information voyageur. En effet, un conducteur qui dépanne son train à autre chose à faire que de répéter des annonces, qui lui « coupent ses sécances ». Supposons qu’il y ait un incident, le contrôleur irait en cabine de conduite, se concerterait avec le conducteur, passerait les annonces, tout en laissant au conducteur la maîtrise des circulations. Pensez-vous qu’une expérience avec un agent présent en heure de pointe en cabine de conduite pourrait se faire?
De plus, concernant les annonces en elles même, une annonce faite par un humain est toujours plus « crédible » qu’une annonce passée par le biais du SISVE. Exemple pris tout à l’heure sur un Provins-Paris, où pendant un arrêt prolongé en gare, on nous dit par annonce automatique « incident technique, restez à bord ». Ce qui a le don de m’énerver, puisque l’on n’en sait pas plus. Puis, quand le conducteur a pris la parole, son annonce ne disait rien de plus, mais étant dite par un humain, on a plus l’impression qu’il y a vraiment quelqu’un qui s’occupent de nous, en quelque sorte…
Il serait bien que chaque annonce soit commencé par un « mesdames, messieurs, bonjour (ou bonsoir), par forme de politesse, tout simplement, et qu’elles se finissent, en cas de problème, par un « Transilien SNCF vous présente ses excuses », ce qui est aussi une forme de politesse, et permettrait de gagner en crédibilité auprès de tous vos clients.
Cordialement,